Jérémy -

Barracuda T.4

Posté par Frédéric Bosser le 03 octobre 2013 dans le Blog


Les premières pages de Barracuda T.4

à lire dans L'Immanquable n°34


Il est rare que nous prenions une série en cours dans L’Immanquable, de peur que, faute d’avoir lu les épisodes précédents, vous ne compreniez rien à l’histoire. Pourtant, quand les éditions Dargaud nous ont proposé de publier le quatrième tome des aventures de Barracuda, une série écrite par Jean Dufaux et mise en scène par Jérémy, nous n’avons pas hésité une seule seconde. Cette aventure qui a conquis son public dès le premier tome étant un petit bijou, il nous était difficile de nous en détourner. J’espère que vous comprendrez notre décision. Juste avant de vous lancer dans sa lecture, voici quelques réponses et informations de la part de son dessinateur, Jérémy…


Dans quelles conditions rencontrez-vous Jean Dufaux ?
En faisant les couleurs de Murena, une série qu’il scénarise pour Philippe Delaby aux éditions Dargaud. Un jour, j’ai fini par lui montrer ce que je faisais à titre personnel, histoire d’avoir un avis. L’ayant vu le faire avec d’autres jeunes auteurs, je savais que cela pouvait être constructif. Mon travail lui a plu et il m’a proposé le scénario de Barracuda. C’est aussi simple que cela.

 

Du coup, cela revient à vous poser la question de savoir comment vous vous êtes retrouvé à réaliser les couleurs de Murena…

La femme de Philippe travaille avec ma mère [elles sont toutes deux institutrices]. Ce qui m’a permis de le rencontrer alors que j’avais quinze-seize ans. Même si j’étais plus branché manga et comics, il m’a proposé de passer quand je le souhaitais à son atelier. De fil en aiguille, je l’ai assisté et j’ai fini par réaliser ses couleurs. C’est donc par le plus grand des hasards que je me suis retrouvé coloriste sur cette série. Si mon ambition a toujours été de devenir un auteur de bande dessinée, cette première étape m’a beaucoup appris.

 

Que vous a enseigné Philippe Delaby ?
Il m’a permis d’en savoir plus sur le milieu de la bande dessinée, sur comment l’aborder professionnellement, sur les relations avec l’éditeur ou le scénariste, etc. Et plus techniquement, le trait de Philippe étant très réaliste et abouti dans son genre, son regard et ses avis m’ont permis de comprendre l’importance de l’anatomie dans le dessin et du cadrage dans les cases...

Comment a-t-il vécu votre décision de le quitter pour voler de vos propres ailes ?

Il se doutait que ce jour finirait par arriver. J’ai commencé Barracuda alors que j’étais toujours coloriste sur Murena. Quand l’éditeur a fixé une date de sortie, il a bien fallu prendre une décision. Et j’ai choisi de me consacrer uniquement à Barracuda. C’était de mémoire en 2010. Nous sommes restés bons amis avec Philippe et nous nous voyons régulièrement, notamment grâce aux réunions que Jean organise avec ses dessinateurs.


Revenons-en à Barracuda. Qui choisit le sujet ?
Si les premiers travaux que Jean a vus de moi étaient du médiéval-fantastique, il a flashé sur une page que j’avais envoyée pour le concours d’Angoulême où se trouvait une scène avec des pirates. Après m’avoir demandé si j’aimais bien cet univers, il ne m’a plus rien dit. Sur le coup, je n’ai pas su trop quoi penser. Était-il déçu ? Me tendait-il une perche ? Quelques heures après, il m’a parlé d’une histoire avec des pirates qu’il avait en tête. Comme il savait que j’aimais bien son travail, je ne me voyais pas refuser une collaboration avec lui… Par contre, il m’a annoncé dès le début que l’action se passerait dans une île et qu’on allait y rester.

Comme travaillez-vous ensemble ?

Par séquences. Il aime bien rebondir sur ce que je peux lui proposer. Il peut ainsi adapter son histoire. Comme je suis le plus jeune auteur avec qui il travaille, je pense qu’il a pu développer grâce à moi une histoire peuplée de jeunes personnages.

Trouvez-vous les personnages assez facilement ?
L’écriture de Jean fait qu’on a tout de suite des idées assez claires sur leur représentation. Il y a bien entendu toujours des détails à affiner au fur et à mesure de l’histoire, mais l’essentiel vient vite.??Fait-il du sur mesure pour vous ? Il a vite compris que j’aime bien les histoires très rythmées. C’est notamment le cas dans le tome que vous publiez. Je suis content qu’il m’ait écouté. Il me fait confiance sur la direction graphique et artistique de la série.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées au départ de la série ?
J’étais un pur novice pour une histoire au long cours. Quand je revois les premières planches, il y a plein de choses que j’aimerais modifier. Mais il faut avancer et se dire que le prochain sera encore meilleur. Pour en revenir à votre question, il faut assurément une bonne dose d’inconscience quand on se lance dans une telle aventure. Mais sans elle, est-ce qu’on le ferait ? Je me suis laissé porter par l’histoire et je pense que j’ai bien fait. Je laisse aux lecteurs le soin de dire si j’évolue ou pas. En tout cas, j’apprends tous les jours mon métier et je ne m’ennuie jamais.


 

Touchez-vous à son scénario ?
Non. Et j’estime que je n’ai pas à le faire. C’est son écriture, sa personnalité et son histoire et je me dois de respecter tout ça. Et l’inverse est vrai. Comme il sait ce que j’aime dessiner ou représenter, il va de plus en plus dans ma direction.

Que faut-il savoir avant de se lancer dans la lecture de ce quatrième tome ?
Qu’il est très différent des trois premiers. Comme on considère que les lecteurs ont bien assimilé la psychologie des trois personnages principaux grâce aux précédents tomes, on fonce dans l’histoire. Les intérêts sont plus globaux et on évoque plus les relations entre cette île et l’Espagne. L’histoire de ce quatrième tome se déroule en quarante-huit heures, deux jours et deux nuits... Je me suis beaucoup amusé sur cet album !

Cet album semble avoir été plus difficile à dessiner…
C’est vrai ! Il y a beaucoup de scènes de foules, choses que je n’avais pas beaucoup faites. Je pense que le lecteur va en avoir pour son argent. (Rires.)


Vous inspirez-vous d’autres dessinateurs ?

Si je lis beaucoup de bandes dessinées, je n’ai pas spécialement d’auteur phare. Comme cette série a son propre univers graphique, je n’ai pas souvenir d’être allé voir ce que d’autres auteurs ont pu proposer sur le sujet. Si je devais chercher des influences graphiques, j’irais plutôt voir du côté du cinéma.

Des films en particulier ?
Pas spécialement ! Là non plus, je n’ai pas d’auteurs de référence. Je sais repérer les bonnes choses dans des films de moindre valeur. Cela m’aide pour mon propre travail.

Comme Jean est un féru de cinéma, on imagine que vous échangez beaucoup sur ce sujet…
C’est vrai ! Quand on se voit, on parle souvent plus cinéma que bande dessinée. On discute des dernières sorties, de nos films cultes, etc. Jean a toujours une ou deux anecdotes au sujet d’un film.


Combien de tomes de Barracuda sont prévus ?

Six en tout. Pour l’instant, aucune suite n’est envisagée. On attend de voir comme seront accueillis ces six premiers tomes. Pour l’instant ça va, et pour la petite histoire, l’année de sa sortie, le premier tome a été la meilleure vente d’un premier tome chez notre éditeur. De mémoire, c’était du 30 000 exemplaires. Je ne m’attendais pas à un tel retour. Comme le soufflet n’est pas retombé, ce succès continue de nous porter.

Parlez-vous quand même de l’après-Barracuda ?
On a déjà plein d’idées avec Jean, y compris vers d’autres univers, mais rien de concret pour l’instant. J’ai la chance de pouvoir travailler avec ce grand scénariste et j’aimerais que cela continue le plus longtemps possible.

Dans quel domaine pensez-vous devoir encore vous améliorer ?
Dans la représentation des bateaux et leur stabilité sur l’eau. Dans le tome 1, il y a quelques erreurs ici et là. Il m’a fallu apprendre. Des experts en marine m’ont aidé à m’améliorer. Mais comme l’histoire se passe beaucoup sur terre, je n’ai pas toujours la possibilité de montrer mes progrès dans ce domaine. Après, je dirais que je dois continuer à travailler l’anatomie de mes personnages, mais c’est le lot de tous les dessinateurs. Je pense que ce quatrième tome montre que j’ai fait des progrès dans le domaine… À vous de me dire !

Nous, en tout cas, nous sommes ravis de montrer ou de faire découvrir votre travail à nos lecteurs.

 

Photo © Dargaud / Rita Scaglia